Mode in Textile

La fast fashion a-t-elle atteint ses limites ?

© Sorbis / Shutterstock.com

Là où il fallait auparavant compter sur deux à quatre collections par an dans les enseignes de prêt-à-porter, il y en a désormais une dizaine. Les pièces sont produites de plus en plus rapidement, quitte à délaisser la qualité. Ce qui en fait des collections quasi-jetables, puisqu’elles sont vite démodées. Bienvenue à l’ère de la fast-fashion. Mais ce phénomène n’est pas sans conséquence. L’impact est lourd à bien des aspects. De plus en plus décriée, voire contrée, la fast fashion a-t-elle atteint ses limites ?

D’un point de vue environnemental, la mode éphémère passe de moins en moins bien. A l’heure où le bio et le vintage font loi, les dégâts écologiques de la fast fashion ne sont plus ignorés. De plus en plus, les fashionnistas prônent une mode plus respectueuse de l’environnement et de l’éthique. Il est maintenant mieux perçu de porter ses vêtements plusieurs saisons et les acheter d’occasion que de céder à la tentation sans cesse renouvelée des grandes marques.

La fast fashion en perte de vitesse

Après des années de croissance, les marques de la fast-fashion se heurtent donc depuis quelques temps à leur premier vrai frein. Certaines, comme H&M, misent alors sur une communication autour de l’éco-responsabilité. Elles proposent de plus en plus de produits fabriqués en coton bio. Elles organisent aussi des opérations de reprises de vêtements usagés dans une optique de recyclage. La démarche est louable, mais sera-t-elle suffisante sur le long terme ?

Quelles leçons ont-elles été tirées après le drame du Rana Plaza ?

Et l’éthique dans tout ça ? Après le drame du Rana Plaza en 2013, qui avait vu mourir plus de 1000 ouvriers du textile dans l’effondrement d’un immeuble délabré au Bangladesh, voici que cette semaine, l’actualité évoque celle de 2014. Souvenez-vous. Primark, enseigne du prêt-à-porter low cost par excellence, savourait son succès en France. C’est alors que le petit mot d’une ouvrière dénonçant ses conditions de travail créait le malaise. Ce lundi, ce sont les ouvriers de Bravo Tekstil, l’un des sous-traitants de Zara, qui se sont faits remarquer. Dans plusieurs vêtements d’un magasin d’Istanbul, ils ont glissé de petites affichettes expliquant avoir été laissés à l’abandon par leur employeur, du jour au lendemain, sans avoir touché leur dernier trimestre de salaire.

Zara, directement pointé du doigt, a rapidement réagi, via le groupe Inditex, auquel la marque appartient. “Nous avons payé toutes nos obligations contractuelles à la société Bravo Tekstil. Il se trouve que le propriétaire de cette usine a disparu soudainement laissant ses salariés à la porte.” explique l’attachée de presse. Les salariés ont donc été secourus, mais n’ont perçu qu’un quart de ce qu’ils réclamaient.

Cet incident soulève la question du traitement et de la protection des salariés. Depuis la catastrophe du Rana Plaza, plus de 200 marques à travers le monde avaient accepté de signer un accord de l’OCDE. Celui-ci les contraignait à veiller sur la sécurité de leurs employés et de ceux de leurs sous-traitants. Arrivant à terme en 2018, il a été péniblement revu et renouvelé cet été. Il est cette fois plus axé sur les droits des travailleurs et leur liberté syndicale.

Quatre ans après les accords, qu’est-ce qui a changé ?

Cette nouvelle mouture a tout intérêt à faire ses preuves si l’industrie de la fast-fashion veut perdurer. Car quatre ans après la mise en place de ces accords, force est de constater que les choses n’ont que très peu évolué. Selon le collectif Ethique sur l’étiquette, si le dispositif a permis d’identifier plus de 100000 problèmes de sécurité dans les 1800 usines concernées, en termes de salaires et de droits, rien n’a bougé. Au Bangladesh par exemple, les employés touchent à peine 50 euros par mois. Au Cambodge, le salaire minimum vient tout juste d’être augmenté, ce qui est plus à relier aux élections législatives à venir qu’à une réelle volonté d’amélioration.

Le point positif, mais peut-être pas pour les industriels concernés, est que les consommateurs ne sont plus dupes. On assiste à une prise de conscience qui motive les actions d’alertes. La fast-fashion n’en finit plus d’être épinglée. Faut-il y voir le début de la fin pour ce phénomène consumériste ?

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Novembre 2017