Mode in Textile

Mobilisation européenne contre la pollution microplastique textile

Un vrai tournant se dessine-t-il pour l’industrie textile, de plus en plus consciente de son impact environnemental ?

Cinq grands organismes européens du textile et de l’habillement viennent en effet de conclure un accord, appelé accord interprofessionnel, visant à empêcher la libération de microplastiques dans l’environnement aquatique pendant le lavage des vêtements synthétiques. Avec cet accord, la Confédération européenne du textile et de l’habillement (EURATEX), l’Association internationale des savons, détergents et produits d’entretien (AISE), l’European Outdoor Group (EOG), l’Association européenne des fibres synthétiques (CIRFS) et la Fédération européenne des industries des articles de sport (FESI) travailleraient donc pour s’attaquer au problème qui affecte potentiellement des milliards de personnes dans le monde.

Les associations s’engagent à une coordination interprofessionnelle et à un soutien des parties prenantes à travers un ensemble de mesures efficaces et économiquement réalisables ainsi que sur des méthodes d’essais fiables et harmonisées pour identifier et quantifier le type de microplastiques présent dans l’eau et dans l’environnement. Elles appellent à la collaboration entre tous les secteurs industriels concernés et d’autres organisations, y compris la recherche, pour partager des informations et définir des priorités communes . L’objectif fixé pour fin 2018 est de rédiger une proposition pour la Commission européenne. Cette proposition vise à combler les lacunes de connaissances pour identifier et quantifier les sources de pollutions microplastiques afin de travailler sur des solutions possibles.

Des chiffres et un constat alarmant

Des chercheurs australiens et norvégiens ont par ailleurs  publié très récemment, en janvier 2018,  une revue complète de la littérature sur les fibres microplastiques issues des industries mondiales du textile et du vêtement. Le travail fait partie des efforts accrus pour mieux rendre compte de la phase d’utilisation des textiles grâce à des évaluations du cycle de vie actualisées (ACV), étant donné que les impacts de la pollution textile microplastique dans l’environnement sont encore mal compris.  Le nouveau rapport, commandé par l’Australian Wool Innovation et la Cotton Research and Development Corporation (CRDC), indique que certaines estimations suggèrent que 20 à 35 % de tous les microplastiques à source primaire dans l’environnement marin étaient des fibres provenant de vêtements synthétiques, et que cette quantité augmenterait. L’étude propose des recommandations à l’industrie textile pour réduire la pollution microfibre, notamment en réduisant la production et la consommation globales de vêtements; améliorer, dans la mesure du possible, les pratiques des consommateurs dans la phase d’utilisation des vêtements synthétiques et le remplacement des fibres synthétiques par des fibres naturelles.

Si le phénomène est connu et suivi depuis plusieurs années, une étude menée par l’Université de Plymout en 2016 a démontré que plus de 700.000 fibres microscopiques pourraient être rejetées dans les eaux usées lors de chaque utilisation d’une machine à laver domestique, avec un grand nombre qui risquent de passer à travers le traitement des eaux usées et donc dans l’environnement. Une équipe a examiné la masse, l’abondance et la taille des fibres présentes dans les effluents après lavages de tissus synthétiques à des températures normales de 30 ° C et 40 ° C. Résultat : des centaines de milliers de minuscules particules synthétiques pourraient être libérés dans chaque lavage. La recherche a révélé que le lavage d’une charge moyenne de 6 kg pourrait libérer environ 137,951 fibres de tissu de mélange de polyester-coton, 496,030 fibres de polyester et 728,789 acrylique. Le mélange de polyester-coton a été constamment perçu comme perdant moins de fibres que les deux autres types de tissu, quels que soient les traitements différents, mais l’ajout de bio-détergents ou revitalisants ont tendance à libérer plus de fibres. Selon un autre rapport paru en 2016 du Groupe conjoint d’experts sur les aspects scientifiques de la protection de l’environnement marin (GESAMP), un seul vêtement, par exemple, peut libérer environ 1 900 microfibres synthétiques lors d’un rinçage.

Enfin d’autres études, comme celles de l’Outdoor Microfibre Consortium suggère qu’une exposition continue à la lumière UV peut abaisser la ténacité de certaines fibres de polyester jusqu’à 42% dans des conditions de laboratoire. La lumière solaire serait ainsi un facteur aggravant de libération des microfibres dans l’environnement.

Les premières solutions envisagées à ce problème

  • La plus “classique”

Seabin,  la poubelle flottante intelligente, a été créée en 2015 par Pete Ceglinski et Andrew Turton, deux australiens. En 2017, ils ont conclu une collaboration avec la société française Poralu Marine pour développer le produit,qui fonctionne grâce à une pompe électrique qui permet d’aspirer l’eau. Celle-ci passe ensuite dans la Seabin où un sac filtrant composé de fibres naturelles retient les déchets , dont les microplastiques d’un diamètre allant jusqu’à 2 millimètres. La commercialisation des 500 premières Seabin a d’ors et déjà été lancée dans différentes zones portuaires.

  • La plus “textile”

Le sac de lavage GuppyFriend est une autre solution existante, développé par ses inventeurs en collaboration avec l’ institut de recherche allemand Fraunhofer.  Ce sac  filtre les particules  de fibres synthétique relarguées par les  vêtements au cours des cycles de lavages domestiques, et permet l’éviter le relargage des microfibres dans l’eau. Les spécialistes de l’outdoor Patagonia ou encore Haglofs proposent ce sac à la vente.

  • la plus “technologique”

Xeros Technology Group,  développeur et fournisseur de technologies, a dévoilé une machine à laver domestique intégrant ses nouvelles technologies innovantes, lors du Consumer Electronics Show CES de Las Vegas de janvier 2018. Parmi elles, la solution  XFiltra comprend une pompe intégrée, un filtre et un dispositif de déshydratation. L’eau non filtrée pénètre dans le XFiltra où les microfibres sont piégées et séchées en un disque solide pour un retrait facile. Lorsque le XFiltra est prêt pour le nettoyage, il peut être ouvert et le disque microfibre sec peut être retiré et mis à la poubelle avec les déchets domestiques.

 

Le secteur de l’outdoor  se positionne

Les industriels de l’outdoor sont très souvent pionniers quand il s’agit de réfléchir aux développement de solutions plus durables. Avec son Outdoor Industry Consortium Microfibre, l’European Outdoor Group prend ainsi à bras le corps la question de la pollution aux microfibres. Ensemble, avec des grandes marques*, un partenaire de recherche biov8tion et l’Université de Leeds?  ils travaillent sur une infographie et une feuille de route pour plus de durabilité, parallèlement à un projet de recherche appliquée.   

Ce projet de recherche d’une durée d’un an, qui sera réalisé par l’Université de Leeds, commencera par valider une méthodologie de test pilote pour fournir une norme industrielle sur les microfibres, une étape essentielle pour permettre l’évaluation de la performance du tissu et un précurseur vers de nouveaux matériaux . Suite à cela, la recherche se concentrera sur la construction d’une image complète de pourquoi l’excrétion de microfibres se produit et comment les facteurs de production et d’utilisation peuvent influencer ce processus.

 

  *Adidas, Asos, Berghaus, Craghoppers, Dare 2b, Finisterre, Fj ä LLR ä ême, Haglofs, Helly Hansen, Ikea de Suède, Kering, Mammut, Marks Spencer, Norrona, Next, Paramo, Regatta, Salewa et The North Face

 

Source: IFTH – le 19/01/18