Mode in Textile

Le marché français textile habillement se transforme sous l’influence des consommateurs

L’institut Kantar Worlpanel  avait fait un premier bilan en octobre 2018 dans l’univers du textile et de l’habillement* en France. Le constat publié  via son Référenseigne Expert Fashion 2018 était pour le moins pessimiste:  le secteur tourne au ralenti, avec des performances globales au début de l’année 2018 inférieures à celles des 5 dernières années et un marché qui a perdu 10% de sa valeur en 10 ans.

Et le bilan annoncé tout récemment par l’Institut français de la mode (IFM) est lui encore plus sévère.

L’année 2017 avait pourtant, avec une stabilité du marché à +0,6% de croissance versus 2016, relancé les espoirs d’une nouvelle dynamique du marché. Or selon la dernière étude de l’IFM, dont les résultats ont été présentés le 6 décembre dernier lors du Séminaire Perspectives Internationales Mode & Textile  par Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM), le  marché de l’habillement devrait terminer l’année sur un recul de 2,9 % (environ 28 Milliards d’euros). En dix ans, il aurait donc perdu plus de 15 % de sa valeur, tous circuits de distribution confondus.

Sur les 10 premiers mois de l’année 2018, le marché de l’habillement masculin enregistre ainsi un recul de -3,6%, tandis que l’habillement féminin recule lui de -2,3% et l’habillement enfant de -3%. Le linge de maison tire son épingle du jeu et affiche une légère progression du chiffre d’affaires à +1,1%.

Une spécificité française? pas vraiment. Comparativement à d’autres pays, la France n’est effectivement pas un cas isolé. Si la situation au Royaume-Uni est plus optimiste avec une croissance affichée de +2,1% en valeur  sur les 9 premiers mois 2018, l’Espagne (-1,4%), l’Italie (-3,9%) et l’Allemagne (-3%) souffrent également.

Le principale explication de ce phénomène de recul du marché: une “dé-consommation” marquée. 44% des français déclarent ainsi avoir acheté moins de vêtements en 2018 selon l’IFM. Dans le détail, ce sont 51% des femmes et 36% des hommes qui ont freiné leurs achats. Plus significatif encore, plus d’un tiers des  jeune (18-25 ans), cibles privilégiées de bons nombres de marques, ont régulé leurs dépenses mode.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce mouvement. Pour Kantar Worlpanel, plus de 40% des Français trouvent que « tous les magasins de vêtements se valent »; peu différenciés, de nombreux acteurs peinent à trouver leur public. Si la mode est l’univers n°1 sur le web  (17,2% des dépenses de biens sur Internet),  cela ne suffit pas à enrayer la chute du secteur. Pourtant près de  46,2 % des Français ont acheté de la mode en ligne en 2018…

Selon l’IFM, deux tendances sont marquées: la dé-consommation contrainte, et la dé-consommation choisie.

La première tendance de fond et de masse s’explique essentiellement par la baisse du pouvoir d’achat des ménages depuis plusieurs années, et les arbitrages sur les postes de dépenses qui en découlent. Si dans les années 1960, la part de l’habillement dans les dépenses était de 9,1%, elle ne représente plus que 3,9% aujourd’hui (ce sont les dépenses pour le logement, le chauffage, mais également les loisirs qui ont pris le relais).

La dé-consommation choisie quant à elle est également une véritable tendance de fond, une “transformation sociétale”, celle dont on parle de plus en plus et qui porte le consommateur vers une quête de sens plutôt que sur l’accumulation sans fondement de biens matériels. Dans ce contexte, écologie, éthique, seconde main, …semblent donc être de réels relais de croissance pour le marché.

Ces transformations obligent les acteurs à trouver de nouveaux leviers

Sur les dix dernières années, la saturation de l’offre et la baisse des prix ont désorienté le consommateur. Pour lui, le prix affiché aujourd’hui n’a plus vraiment de sens, en particulier sur le segment moyen de gamme ultra représenté en France.

De nouveaux leaders se positionnent donc, comme Intersport. A fin juin 2018, le Référence Kantar Worplanel plaçait ainsi l’enseigne Insertsport en tête des ventes,  co-leader du marché textile avec Decathlon (3,3 % de part de marché en valeur), devant les Galeries Lafayette (3,2 %) et Leclerc (3 %). Un des facteurs clés de ce succès est l’appropriation du vêtement sportif dans l’usage quotidien du consommateur.

Le vêtement de sport comme autre relais de croissance

Selon la dernière enquête récente de KantarWorldPanel, en France, le marché du textile habillement sport (hors matériel) représentait environ 6.7 milliards d’euros .
Et fait exceptionnel, en l’espace de 5 ans, ce marché aurait grossi de près d’1 milliard d’euros!

Si l’usage sportif des produits achetés représente 35% des dépenses, l’usage quotidien est la principale raison d’achat. Près de 65% c’est-à-dire  ¾ des Français s’habillent au quotidien avec des vêtements sports et les renouvellent régulièrement . De quoi attirer et conforter les marques « généralistes » textile qui développent maintenant au moins une gamme de vêtements sport…

Et pour 2019?

Sur la base de ces transformations du marché, l’étude de l’IFM espère une continuité de la croissance des exportations françaises d’habillement qui dépasseront les 10 milliards d’euros (croissance  de +4% par an en moyenne depuis 2010), et sur une légère amélioration de la consommation (-0,9%).

A noter par ailleurs une tendance côté production. En effet, l’INSEE vient tout juste de publier ses statistiques mensuelles. En octobre 2018, la production se redresse ainsi dans l’industrie manufacturière (+1,4 % après −1,9 %) et dans l’ensemble de l’industrie (+1,2 % après −1,6 %). Et bonne nouvelle, elle se redresse nettement dans la métallurgie et produits métalliques (+2,1 % après −1,3 %), dans la pharmacie (+3,9 % après −1,3 %) et dans le textile, habillement, cuir et chaussure (+5,1 % après −4,4 %)!

De bonne augure pour l’avenir du secteur ?

-Publié le 10 décembre 2018-

*hors textiles dits à usages techniques (médical, protection, etc)