Mode in Textile

Interview: Quentin Perraudeau, directeur et co-fondateur de Percko

En adoptant une posture idéale, 80% des problèmes de dos pourraient être résolus.

C’est sur la base de ce constat qu’est née Percko, entreprise française créée en 2014 par deux jeunes entrepreneurs. Alexis Ucko, ingénieur diplômé de l’EPFL, et Quentin Perraudeau, ingénieur diplômé de l’INSA, se sont rencontrés sur les bancs de l’ESSEC, animés par la même envie de créer et d’entreprendre.

Sans aucune expérience du secteur au début de leur aventure, ils ont trouvé à travers le support textile et l’innovation technologique toutes les ressources pour développer un produit unique, un sous-vêtement très technique capable de stimuler l’utilisateur et le pousser à adopter une posture idéale. Le produit baptisé Lyne Up est conçu comme une véritable seconde peau « intelligente » dans laquelle sont incorporés des tenseurs actifs qui ont 2 actions redressantes (ouverture du thorax) et anti-dos rond (pression sur la 5ème lombaire), et qui ne s’actionnent qu’en cas de mauvaise posture.

Avec déjà plus de 35000 exemplaires vendus, une croissance à deux chiffres et un chiffre d’affaires dépassant les 3 millions d’euros, la santé de la jeune entreprise est aujourd’hui florissante. Son directeur et co-fondateur Quentin Perraudeau revient pour nous sur la génèse du projet et la stratégie mise en œuvre pour assurer la pérennité   de Percko.

Percko se différencie des autres produits disponibles sur le marché, type ceintures lombaires, avec ce sous-vêtement innovant et très confortable. Comment est née cette idée d’utiliser tout le potentiel du support textile ?

Un des projets d’Alexis portait sur le développement d’une chemise pour homme, avec renfort métallique rigide dans le dos, pour améliorer la position du dos et améliorer la prestance, avec en toile de fond le mal de dos identifié comme le « mal du siècle ». Après avoir étudié plus précisément le marché, il est devenu évident qu’il fallait un produit de type sous-vêtement et non pas une chemise, et nous avons alors étudié de plus près les techniques textiles innovantes susceptibles de répondre à notre besoin, c’est-à-dire stimuler la posture de façon positive. Il nous fallait une solution confortable, avec un t-shirt le plus classique possible, qui puisse se mettre, s’enlever et se laver comme un t-shirt lambda, et que son utilisation soit la plus simple possible pour l’utilisateur.

C’est avec la société rhône-alpine TopTexCube, spécialiste des tissus innovants et des nouvelles technologies, que nous avons recherché la solution optimale à ce besoin : découpe laser, laminage, contre-collage, soudure ultrasons, essais de différents matériaux, c’est en testant que nous avons pu trouver la bonne combinaison capable de donner la force nécessaire aux tenseurs pour agir sur la position du porteur.

Nous avons aussi arpenté les allées de nombreux salons. C’est cela qui nous a réellement permis de rencontrer rapidement de nombreux fournisseurs, en particulier sur des salons internationaux comme Première Vision. Mais au final, nous avons déposé un brevet sur la combinaison des techniques utilisées et la forme du produit plus que sur les matières utilisées. C’est la combinaison des techniques d’assemblage et du choix des matières qui en fait un produit différenciant.

Au cœur d’une industrie textile qui renoue avec la croissance, Percko est une jeune pousse qui  réussi visiblement à pérenniser son activité et à s’installer dans la durée. Avez-vous rencontré des difficultés durant ces trois dernières années pour assurer l’avenir du projet ?

Par chance, notre produit a plu rapidement et nous avons sans doute ainsi éviter plusieurs écueils.

Lorsque nous avons démarré, en proposant notre prototype sur la plate-forme web de financement participatif (crowfunding) Kickstarter, notre objectif était fixé à 30000 euros de pré-ventes, le montant nécessaire pour commencer à fabriquer les premières pré-séries. Nous étions prêts pour ce volume de ventes, avec des partenaires identifiés pour lancer la fabrication.

Mais à notre grande surprise, les commandes ont explosé, avec 385 000 euros de ventes effectuées sur la plate-forme. Ce qui représentait plus de 5000 pièces le premier mois vendues dans 89 pays différents ! Nous avons alors adapté notre stratégie de production afin de pouvoir honorer ces commandes inattendues, avec d’autres partenaires capables de produire très rapidement cette commande one-shot, sans forcément de visibilité sur l’avenir même si cela était plutôt bon signe. Si le travail a été important pour les identifier et les qualifier, aujourd’hui nous travaillons toujours aussi efficacement avec ces partenaires, toujours en circuit court, avec des produits qui sont livrés en moins de trois jours, et ce depuis trois ans maintenant.

Percko connaît aujourd’hui une croissance à deux chiffres, avec un million d’euros de chiffre d’affaires réalisé la première année d’activité, passé à 3 millions la deuxième année, et 5 millions la troisième année. L’internationalisation est un relais de croissance très important, nos ventes sont réalisées en France et à l’étranger (Angleterre, Allemagne, Suisse, Belgique, Espagne…). La croissance est assez rapide, et cela demande beaucoup d’efforts de la part de notre équipe mais les résultats sont là.

Nous avons bien évidemment des concurrents sur le marché du bien-être voire du médical mais cela est plutôt sain et encourageant pour nous, cela signifie que le potentiel du marché est bien réel. Nous assurons notre développement de façon optimiste même si nous restons une petite entreprise au cœur de la filière textile.

A l’heure où de nombreuses start-up misent sur uniquement sur le digital et l’e-commerce pour se lancer, vous avez choisi de travailler en partenariat avec d’autres entreprises (Groupe RG, Natures et Découvertes …) pour référencer votre produit, pour quelles raisons ?

Pour nous, une marque doit absolument avoir une implantation physique pour assurer sa crédibilité, et c’est pourquoi nous avons à cœur de développer un retail fort, avec une bonne présence en points de vente. Nous sommes en cours de création de la marque Percko, autant en BtoC qu’en BtoB. Notre stratégie d’internationalisation nous encourage également à travailler le phygital, puisque dans les pays comme l’Allemagne, la Belgique et d’autres encore, la présence en points de vente fait partie des axes de développement des entreprises au moins autant que les boutiques en ligne.

Même s’il n’a pas été simple de se faire référencer dans des magasins comme Nature et Découvertes, Go Sport, La Redoute ou encore Amazon pour ne citer qu’eux, nous ne regrettons pas d’avoir misé sur le culot pour aller leur présenter nos produits ! Pour un petit acteur, c’est un défi quotidien, un combat de chaque instant d’être référencé auprès de ces grands acheteurs, qui auraient actuellement plutôt tendance à réduire justement le nombre de leurs références. Proposer une innovation forte nous permet d’avoir de solides arguments à faire valoir. Au final, notre maillage est bon et les profils de nos partenaires sont multiples.

La diversification vers le sport s’est-elle faite « naturellement » ?

Plusieurs de nos clients déjà utilisateurs de la ligne Lyne Up, qui est un sous-vêtement destiné plutôt aux travailleurs sédentaires, souhaitaient pouvoir faire du sport avec le même type de produit ; mais difficile pour eux d’aller faire du running en portant un sous-vêtement, ce n’est ni pratique ni habituel. C’est de ce besoin et de ces remontées clients qu’est née l’idée du t-shirt Lyne Fit et son développement.

Sans regret puisque cela nous ouvre aujourd’hui les portes d’un marché à fort potentiel. De plus cela ne génère que des ventes additionnelles à la ligne Lyne Up, souvent les clients achètent les deux types de produits, pour leur quotidien et pour l’activité sportive. Aujourd’hui le produit a huit mois et nous en avons déjà vendu plusieurs milliers, nous sommes très contents que cette nouvelle dynamique. Et surtout les clients adorent !

Par ailleurs, côté diversification nous avons sorti un gilet de prévention baptisé Lyne Pro, à destination des professionnels, des travailleurs exerçant des travaux manuels sollicitant fortement leur dos. Ce gilet, qui s’attache à l’avant a pour objectif d’optimiser le placement du dos afin d’éviter la fatigue, les blessures et mieux récupérer des efforts fournis en facilitant la respiration et la circulation sanguine. Nous le proposons déjà aux entreprises, et il sera disponible sur le site internet à la rentrée prochaine.

Selon vous, quelles sont les évolutions majeures vont marquer la filière textile durant les prochaines années ?

Jusqu’à présent, nous avions souvent une vision du textile comme seul moyen de se réchauffer ou comme vecteur de mode et de style.  Une seule certitude aujourd’hui, les textiles fonctionnels sont l’avenir de la filière. Nous allons créer de plus en plus de textiles à valeur ajoutée, de vêtements ayant une utilité pour les consommateurs.

Le corps est couvert à 90% de textile, cela représente un beau potentiel pour l’innovation dans le secteur !!

Propos recueillis par N. Righi -Juillet 2018