Mode in Textile

Interview de Jean-Louis Danjoux, dirigeant de TAD Teintures et Apprêts Danjoux

Au cœur de l’ennoblissement textile, la société TAD Teintures et Apprêts Danjoux est une PME spécialisée dans la teinture et les apprêts de la maille. Historiquement dédiée à l’habillement, l’entreprise s’est diversifiée depuis une vingtaine d’années, sous l’impulsion de son dirigeant Jean-Louis Danjoux, dans le traitement des textiles techniques. Également membre du Conseil d’administration de l’Union des Industries Textiles, Mr Danjoux revient pour nous sur les fondements de l’innovation continue chez TAD. Une innovation toujours orientée vers la satisfaction du client, de l’amélioration des process à la prise en compte de l’environnement.

En quelques mots, comment pourriez-vous définir l’innovation aujourd’hui au sein de TAD ? Quels en sont les éléments essentiels/ nécessaires (organisation, techno, veille) ?

Nous sommes des façonniers. Les marchandises que nous envoient nos clients sont de différentes natures, de différentes compositions, et ils nous demandent de développer des traitements, ou d’appliquer une suite de traitements, afin de répondre à un cahier des charges clairement défini. L’innovation peut ainsi être très technique, soit avec pour objectif l’amélioration de notre offre déjà existante, soit avec la mise en place de nouveaux process, qui vont apporter de nouvelles caractéristiques ou de nouveaux aspects sur un tissu. Cela peut être de la formulation chimique, du traitement mécanique, ou la combinaison des deux. L’innovation vient alors soit d’une réponse à des demandes de clients, soit dans le cadre de notre propre recherche d’optimisation des process existants, afin de baisser le prix de revient du produit ou de réduire les délais de livraison au client par exemple. Pour cela, nous travaillons surtout en interne sur l’amélioration des process, la réduction de la pénibilité, ponctuellement avec des fournisseurs de matériels, sociétés de services locales.

Mais nous travaillons également sur une innovation beaucoup plus en amont. Dans ce cas, nous réfléchissons à de nouveaux types d’offres, autres que celles que nous proposons aujourd’hui, sur des process à construire à moyen ou à long terme. Il s’agit alors essentiellement d’un souhait de notre part de pouvoir proposer de nouveaux produits ou services à nos clients, avec des innovations de rupture. Pour de tels projets de recherche & développement, nous nous appuyons sur des programmes collaboratifs de type FUI tels que nous pouvons le faire aujourd’hui avec l’IFTH.

 Vous avez fait le choix il y a quelques années d’une diversification du vêtement vers le textile technique, pour maintenir et développer l’activité. Quel regard portez-vous sur l’évolution sur l’industrie textile sur les dernières décennies ?

En France, il est clair que l’on parle beaucoup plus de l’évolution des textiles techniques, et des possibilités de développement encore infinies qu’ils offrent, que des produits mode et habillement. Pour exemple, plus de 65 % de notre chiffre d’affaires aujourd’hui chez TAD est réalisé sur des produits techniques. Ce sont eux qui se développent, alors que dans le même temps, les clients du secteur de l’habillement plus traditionnel font face à plus de difficultés.

Mesure de l’empreinte écologique, affichage environnemental, mise en place d’un process de traitement des eaux usées… Vous avez d’ores et déjà mis le cap sur le développement durable, comment cela se traduit-il au quotidien ?

 

La démarche environnementale globale a été enclenchée il y a déjà plusieurs années chez TAD. Nous faisons partie d’une industrie qui peut être polluante, consommatrice de produits chimiques, souvent associée à des conditions de travail difficiles, notamment avec la mise en lumière des exemples désastreux d’entreprises étrangères ces derniers temps. La différenciation par la prise en compte de l’environnement s’est imposée quasi naturellement et a été prioritaire par rapport à la certification qualité. Nous sommes ainsi à un niveau ISO9001 sans avoir demandé cette certification, alors même que nous sommes certifiés ISO14001.

Aujourd’hui, nos clients français et étrangers nous questionnent quotidiennement sur nos performances environnementales. Tout le travail effectué permet d’offrir une différenciation forte par rapport à la concurrence. Bien plus qu’un certain niveau de qualité à avoir, qui est aujourd’hui devenu « normal », la prise en compte de l’environnement et plus globalement des systèmes HRP / HSE ont été difficiles à mettre en place mais se révèlent une vraie valeur ajoutée.

 Vous êtes agréé Auvergne Rhône Alpes terre textile, pourquoi avoir fait le choix d’une telle labellisation ?

Effectivement, nous sommes agréés depuis peu. Cela s’est fait après quelques hésitations, car nous avions de toute façon notre production entièrement fabriquée au sein de notre usine française. Et cela semblait donc intéressant mais non nécessaire dans un premier temps. Ce sont certains de nos clients qui nous ont finalement engagés dans cette voie, car eux-mêmes sont très sollicités sur des produits « Made in France » et ont un vrai besoin d’outils de traçabilité et de communication performants.

 Qu’est-ce que vous apportent les collaborations engagées avec d’autres acteurs au sein de la filière, notamment à travers des projets de R&D ?

Ces projets portent en général sur des thématiques qui nous intéressent, pour une mise en place de nouveaux process au final. Cela nous apporte des connaissances, et nous permet de présenter de nouvelles fonctionnalités à nos clients, avec un vrai gap qualitatif (en termes de performances produits, de réduction de la pollution…). C’est une ouverture vers d’autres technologies, d’autres univers, mais en ayant toujours l’objectif de pouvoir transférer l’innovation de façon concrète à terme chez TAD. Et au-delà, échanger avec d’autres entreprises de secteurs divers est toujours intéressant et important.

Selon vous, quelles sont les évolutions/innovations majeures qui vont marquer la filière textile durant les prochaines années ?

Deux grandes pistes essentielles semblent se dégager : une étape d’ennoblissement beaucoup plus économe en eau, et les technologies 3D. Les traitements sans eau vont devenir vraiment essentiels pour la filière. La problématique de l’eau est très compliquée aujourd’hui, d’autant plus que la majeure partie de la pollution que nous rejetons provient des matières premières, et non pas forcément des traitements appliqués lors de l’ennoblissement. Limiter et s’affranchir de l’utilisation de l’eau sera inévitable à terme. Il ne suffit plus de traiter les eaux usées, il faut réellement intégrer la question de la gestion de l’eau avec l’amont de la filière.

Propos recueillis par N.Righi – Novembre 2017

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