Mode in Textile

2017, année de l’araignée (ou plutôt de la soie d’araignée) ?

Plusieurs années déjà que l’on en parle. Sortira, sortira pas, le sujet d’un développement viable et d’une commercialisation possible d’un fil de soie d’araignée a fait couler beaucoup d’encre, occupé plusieurs générations d’étudiants et de chercheurs, et mobilisé des investissements importants. Et pour cause, l’araignée produit de façon naturelle un fil aux qualités remarquables, alors même que l’industrie textile s’emploie à fonctionnaliser de plus en plus les matières naturelles et synthétiques pour les rendre plus résistantes, plus durables, plus performantes.

Déjà plusieurs années, et on n’attendait presque plus ce « graal » aux milles vertus…et pourtant, les principaux acteurs mobilisés sur le sujet en vue du développement d’une telle matière à l’échelle industrielle ont visiblement trouvé des solutions à leurs interrogations. Et c’est la voie de la fabrication d’une soie d’araignée artificielle, c’est-à-dire non produite par l’araignée elle-même, mais synthétisée à partir des protéines du fil de soie, dont la plus importante est la fibroïne, qui a permis de passer un cap.  Une idée simple, mais complexe à réaliser, qui a demandé plusieurs années de développement, et dont les résultats semblent enfin probants pour des applications textiles bien  réelles.

Kraig Biocraft, le pionnier de la voie transgénique

Après avoir créé une vingtaine de fibres dont la Monster Silk™, l’entreprise américaine Kraig Biocraft Laboratories, Inc.  a ainsi annoncé en 2015 le lancement de la Dragon Silk™, une soie d’araignée transgénique et recombinée qu’elle revendique comme étant la fibre la plus résistante et la plus élastique réalisée avec sa technologie de recombinaison de la fibroïne. Sa résistance à la traction serait de 1,79 GPa et son élasticité serait de 38 % supérieure à la fibre de soie d’araignée naturelle pure.  Kraig Biocraft a signé en 2016 un partenariat avec le département de la Défense américaine, valorisé à un million de dollars, pour concevoir les armures du futur pour les soldats américaines, notamment pour tout ce qui concerne les gilets pare-balles et autres protections balistiques. En parallèle,  l’entreprise a planté 2 000 mûriers au Texas, sur une propriété offrant une capacité de croissance importante , vers des dizaines de milliers d’autres arbres dans le futur.  Elle a également augmenté ses capacité de production dans l’Indiana en 2016, et vient d’inaugurer début 2017 une usine et un centre de recherche au Vietnam.

Spiber, l’autre voie de développement par fermentation bactérienne

En 2012 la société japonaise  SPIBER Inc a breveté sa fibre protéinique, baptisée QMONOS, et son procédé de production basé sur la génération de fibroïne de soie grâce à la mise en œuvre d’un processus de fermentation bactérienne. Forte de son expertise, elle a collaboré avec un acteur de l’outdoor reconnu, la société The North Face, pour créer en 2016 le premier prototype de vêtement d’extérieur fabriqué avec son matériau protéique à base de fibroïne d’araignée QMONOS ™. Baptisée MOON PARKA ™, cette veste est le premier vêtement fabriqué à partir de protéines synthétiques et marque un premier pas vers une réelle possibilité de commercialisation « de masse ». La couche extérieure de la parka est entièrement faite à partir de fibres QMONOS, et est tissée sur une ligne de fabrication automatisée. The North Face espère pouvoir la commercialiser sur le territoire américain dès 2017. Spiber a également collaboré avec le constructeur automobile haut de gamme Lexus.  Lors du Paris Motor Show 2016  Lexus a dévoilé un concept innovant de siège, baptisée Kinetic, au design cinétique en forme de toile fabriqué en partie avec des fibres QMONOS. Le matériau souple aiderait ainsi à disperser le poids de l’individu, afin de garder l’assise du conducteur confortable lors de longues périodes de conduite.

Bolt Threads, le nouvel entrant du secteur

La start-up américaine Bolt Threads Inc. (ex Refactored Materials Inc.) développe quant à elle des fibres de soie de haute technologie, par filage en voie humide, à partir de protéines quasi naturelles (issues de sirop de maïs fermenté avec des levures). Après sept ans de recherche et développement, Bolt Threads a levé  50 millions de dollars d’investissements pour financer son développement. Et elle travaille avec un partenaire de haut rang, puisque la marque Patagonia, pionnière du développement durable, collabore avec la start up pour intégrer son matériau dans ses futures collections, probablement en 2018. Bolt Threads a par ailleurs  dévoilé en mars 2017 un vrai démonstrateur sous la forme d’une séries de cravates tricotées en édition limitée, faite de soie d’araignée 100% Boltspun.

AMSilk, la revendication environnementale du produit

En Novembre 2016, la société allemande AMSilk a présenté une paire de chaussures de sport élaborée avec l’équipementier sportif adidas, fabriquées à partir de ses fibres complètement biodégradables BioSteel. AMSilk, fournisseur industriel de biopolymères de soie synthétique, a reçu la confirmation de la biodégradabilité de ses fibres BioSteel,  conformément à la Norme 301B de l’OCDE, et sont donc définies comme «facilement biodégradable».  En phase avec la stratégie environnementale d’adidas, les chaussures baptisées « Futurecraft Biofabric » pourraient être commercialisées dès cette année.

Quelques liens pour en savoir plus :

http://www.kraiglabs.com
https://www.spiber.jp/en
https://boltthreads.com/
http://www.biosteel-fiber.com/